La vie, c’est faire ce qu’on veut, c’est aller au bout de ses rêves, c’est tout
au moins le but. On pourrait aussi se faire une vie pépère, mais soit c’est pour
ne pas entrer en conflit avec les autres, soit c’est pour ne pas entrer en
conflit avec soi-même. Les choses ne sont pas directement ce dont on rêve, c’est
plus abstrait le rêve, ce sont des besoins interchangeables, des envies quoi,
par exemple une communion, une friction, un lissage, un corporel, un sens, une
couverture, une ouverture, une déchirure, la zébrure 4 de la déchirure
principale.
De même que les vrais rêves absorbent les tensions écartelées, les rêves diurnes
et autres fantasmes les absorbent aussi. Tous les rêves se génèrent un monde
organisé, complexe et stratifié. On peut supposer que les compositions, les
organisations générées, qui sont loin d’être des chimères, représentent la
nécessité de poser les besoins interchangeables abstraits sur un socle qui n’est
pas quelconque, elles ont besoin d’une construction initiale.
Les fantasmes peuvent prendre la figure d’une partie érotique non négligeable,
car c’est l’émotion principale de l’homme. Ils respectent souvent l’écologie et
la nature de l’âme, contrairement aux productions commerciales du genre, car
souvent les productions nourricières du cerveau ont du mal à ne pas tenir compte
des contrats de confiance, un genre de notices implicites pour le cerveau
lui-même. C’est d’ailleurs une bonne définition qui permet de s’en rapprocher
pour les étudier.
Le rêve est un moyen de projeter des éléments sur le réel, afin de concrétiser
les compositions furtives après une phase d’autocritique automatique. Est-ce le
cas aussi des rêves diurnes et des fantasmes ? En fait, c’est la comparaison
régulière qui fait qu’on ne confond pas le beurre du rêve avec les éléments
juste projetés sur la tartine, ceux qui ont bel et bien une correspondance dans
la réalité, ou ceux à connaître pour s’en nourrir. Mais il existe des modes
d’expression où cette réalité peut être vue comme un autre fantasme, un peu plus
concret, mais toujours pas matériel, particulièrement les œuvres et les jeux,
les simulations aussi, les interprétations et les abords relatifs.
Les vrais rêves ne sont pas souvent des déménagements. Mais les œuvres
commerciales peuvent nous emmener bien au-delà, bien au-delà de
l’écarquillement, de l’écartèlement, en nous trompant, en nous faisant croire
que nos sens renaissent en permanence, que nous renaissons librement, en nous
faisant croire que nous avons un besoin de violence là où nous avons besoin
d’une ouverture, d’une déchirure, de la zébrure 4 de la déchirure principale, et
ils le savent.
Les animations japonaises par exemple, qui poussent les sens au paroxysme,
curiosité forte des jeunes modernes, prennent pour but, tout du moins pour parti
d’assouvir des fantasmes qui n’auront pas lieu de s’exprimer dans la réalité, et
dont on peut profiter au maximum dans le fantasme. J’ai bien dit au maximum, pas
au mieux. Car même si ces animations sont réalisées par des passionnés, et non
par des traitres de l’âme, la charge émotive est orientée puissance et non pas
qualité, diversité ou intimité.
Mais la prolifération des œuvres japonaises ne serait-il pas le stigmate d’une
non-réponse à certains désirs naturels humains refoulés par le système, dans
leur représentation ? Là, certains systèmes politiques peuvent vouloir partir
dans la lutte anti-débordements, abusifs, mais ceux-ci peuvent n’être que la
représentation non débroussaillée des désirs abstraits dont je parlais au début.
L’interdiction de l’un provoquerait un fantasme de l’autre encore moins concret,
encore moins connu, et donc encore plus débordé abusif, qui aurait tendance à
tenter de concrétiser quand-même quelque chose comme une cocote minute qui
explose sans bouchon. On ne pourra jamais vraiment lutter contre le fantasme
humain, mot proche de fanatisme, mais aussi mot proche de rêve, c’est entre les
deux, et ce ne sont que des représentations spirituelles, qui auront toujours
une existence et une expression réelle quelconque.
Les couches basses de l’esprit n’ont parfois pas de possibilité d’expression non
explosive ou non agressive. Les mangas mettent en œuvre expressément la vision
directe des pulsions de l’esprit. C’est toujours un minimum que ne soit pas une
offense que de pouvoir réaccéder à un blason de l’esprit au moins un peu argenté
telle que cette brique de construction qui fait quand même un peu mal. Mais il
est possible que parfois on reste agrippé à ces pics qui rentrent dans l’esprit,
particulièrement si l’on ne parvient pas à se faire une image de ce dont on rêve
réellement.
Les mangas emprisonnent dans un monde qui aspire ceux qui n’ont pas la capacité
de détecter que seules des pulsions sont représentées, pas leurs rêves ni leurs
désirs. Ces œuvres sont souvent orientées soit vers la violence, soit vers
l’occulte, soit vers l’érotisme, soit vers la pédophilie, soit vers la
domination, soit vers le sadisme, soit vers la magie, ou soit vers la
toute-puissance.
Lorsqu’on découvre une nouvelle énergie cognitive, elle a tôt fait de se
retrouver dans un manga. Que dis-je, les mangas, car les mangas se veulent
multifonctions. Que ce soit l’homme qui tire plus vide que son ombre, l’homme en
noir, l’urine qui éloigne les tueurs de 12 mètres dans le temps passé, la
réalité virtuelle, la réalité augmentée, ou le surnaturel, jusqu’au jour où on
se retrouve fasciné par le modernisme du naturel.
Les mangas veulent atteindre le maximum de quelque chose de multiple. La
contradiction entre qualification de modernisme à la fois pour la réalité
virtuelle fermée et la réalité augmentée ouverte, et d’autres contradictions,
montre une attirance vers un Paradis dont l’étrange attire les optimistes et
repousse les réfractaires, sans qu’aucun n’ait souvent raison. Comme on en voit
l’expression avec le film Albator, où c’est la folie de la conquête de l’espace
et le sujet est la reconquête de la Terre, finalement la planète la plus
accueillante. Toutes essayent de toujours tout intégrer, intégrer la
représentation primaire. Les monstres sont des êtres dotés à la fois de pouvoirs
modernes et de caractères anarchiques primaires.
L’expression pseudo-artistique mondiale regorge de pôles culturels poussés au
paroxysme. La pornographie en est l’exemple le plus cinglant. En l’an 2000, ¼ du
trafic internet était du trafic pornographique. Cachés par les fissures des
mansardes, on ne peut pas connaître l’ampleur de l’activité réellement
exploitante des hommes et de femmes de ce monde de ce côté-là. Il existe le dark
web, les séries glauques et lugubres, les séries à scandale, la presse people,
les reality-show, les sites de complotisme, les sites de foi en des valeurs
étranges, et pourquoi pas les divertissements, pour qui on ne peut pas dire
après : On a vécu une fête.
Ce n’est peut-être pas un bon coupe-faim, on peut trouver de bons coupe-faim. Il
y a comme ça de grands pôles de culture, d’autres concepts qui respectent ou non
ces composantes essentielles. Il y a par exemple la représentation américaine,
avec son côté junkie, paillettes, gros budgets, verres d’alcool, lunettes de
soleil et route qui n’en finit pas. Les concepts religieux en sont une
représentation aussi, en ce qui concerne leur culture. Pour autant, c’est aussi
un japonais qui faisait les films les plus représentatifs des vrais rêves :
Miyazaki. La nourriture de l’esprit la plus sommaire, la plus honorable, la plus
saine et la plus riche, harmonieusement.
L’esprit sexuel, comme le disait Freud, joue avec les notes du plaisir et de
l’intimité associées à des froufrous du corps et de l’esprit. Ces froufrous,
corporels ou autres, ces traits d’attirance, sont richement et naturellement
dotés d’expressivité universelle déconjuratrice des peurs, thérapeutique, et
conviviale, ou au contraire sur un mode de puissance, ou encore d’extinction des
feux, mais dont la nature humaine conviviale cherchera pour vraiment beaucoup de
personnes à reprendre un dessus incompatible avec le second choix… Au contraire,
l’œuvre sexuelle, dans sa méthodologie de base, en ce qui concerne beaucoup
d’œuvres érotiques commerciales est beaucoup retranchée dans des simulacres
court-circuités et sadiques, et en ce qui concerne beaucoup d’œuvres
pornographiques, elles expriment la froideur, la mécanisation, par contre pas du
tout la bestialité dans le sens vrai du terme, mais manquent totalement de
certaines composantes de l’esprit sexuel, la fraicheur, l’authenticité, la
sincérité. Selon Yann Moax (27/5/2017), nous serions des passagers clandestins
de notre sexualité.
Les séries à scandale exacerbent le principe d’esprit critique, mais dans ses
pulsions. On voit bien là l’incohérence totale avec le principe de base de
l’esprit critique, qui devait être totalement lié à l’esprit cartésien. Il ne
faut pas du tout confondre les séries américaines, qui par des tours de
passe-passe d’ambiance et de montage dynamique, n’ont aucune tenue de route et
de déontologie concernant la crédibilité, abusent les vrais schémas humains et
ne s’inquiètent d’aucun effet conséquent, des séries françaises qui ont
volontairement souvent pour moteur la représentation du syndrome qu’on peut
appeler l’esprit humain, qui est souvent leur centre d’intérêt principal, et
dont nous sommes ceux qui le maîtrisons le mieux au monde dans les œuvres.
Pourtant, le positif des séries américaines, n’implique et n’oblige aucunement
leur contenu négatif, donc purement abusif, ce qui signifie qu’ils pourraient le
retravailler.
Tout ce qui concerne le moderne est de notoriété dans le monde des mangas. Ce
n’est pas ça qui permettra de s’accoutumer sans douleur aux failles du vrai
monde moderne. Dans le futur, nous ferons semblant d’être contents de recevoir
un cadeau d’entreprise parce que nous aurons atteint autant de points, mais nous
verrons le logiciel s’immiscer dans notre vie pour nous dicter nos
comportements, les relations avec nos assurances. Au contraire, les jeux mangas
sur Internet livreront ces informations aux entreprises.
Les jeux attirent car ils laissent imaginer qu’ils sont en train de s’approcher
de la simulation parfaite. L’idée qu’ils sont en train de recréer un monde
parfait, qu’on pourra maîtriser comme un prince qui empile les formes 3D pour
habiter dedans, en tuant un maximum de ses visiteurs ennemis avec des rayons 2D.
Pourtant, au fond de soi, on sait bien que la simulation parfaite, ce serait
l’être parfait, je dirais même plus l’être imparfait, je dirais même plus la
discussion enrichissante avec l’être imparfait, c’est-à-dire ce qu’on a toujours
fait depuis la nuit des temps, et que l’esprit des lumières plutôt que l’esprit
de revanche permet mieux d’apprécier.
Il n’est pas près le jour où on saura recréer en virtuel des communications
effet authentique permanent, preuve de sincérité, et la prospective consistant à
supposer qu’on fera mieux nécessite de trouver ce qui peut être mieux et de déjà
le réaliser avec de vrais êtres humains. On trouve déjà souvent des performeurs
chez les êtres humains. Déjà, si on veut performer les ordinateurs, il faut déjà
se comprendre, il ne faut pas hésiter à tout théoriser, sans erreur, sans
communautarisme, le monde réel, l’esprit humain, la communication, donc trouver
les gens qui sauront faire de l’introspection. Et si on se comprend, n’aura-t-on
pas fait aboutir là déjà par l’explication le phénomène le plus important qu’on
puisse trouver pour les œuvres et les jeux ?
Si le plus important dans la vie, après la compréhension de soi, c’est le
plaisir des rencontres, imaginons que l’interactivité industrielle y conduise,
jusque des connexions au cerveau qui regénèreront des êtres pas forcément mieux
que nos amis, qui seront pilotés pour s’immiscer dans notre vie en nous bernant
par des cadeaux puis en dictant nos comportements. On se parlera par
l’intermédiaire de connexions invisibles, on parlera même à des simulations, des
simulations qui feront croire qu’elles sont réelles, qui entretiendront le
doute, on se demandera à qui on communique, ou on n’entendra pas, ou alors la
place sera laissée à l’extrapolation erronée ou juste, et le participant secret
entretiendra peut-être lui-même un doute.
Passé des millions d’années, le virtuel risque de simuler l’interactivité, la
simuler pour de vrai, simuler les êtres, les hameaux, les hommes, les relations,
les tentations, les relations, les visions, les auditions, les habits, la
nudité, l’inactivité, jusqu’à ce que la réalité augmentée nous signale des
habits plus vrais que la nudité.
Les jeux baladent entre la mort et l’amour, sur une balade de Michel Forestier
ou Fugain, ou flûte enchantée américaine, avant de faire retrouver le poids de
la réalité et la jalousie virtuelle. Là où ça serait intéressant et même rigolo,
c’est lorsque l’informatique atteindra non pas le point de non-retour, mais le
point où les développeurs seront des développeurs, c’est-à-dire des êtres
virtuels. Vous comprenez ??
La société risque d’hésiter entre bienveillance et intolérance envers ces
œuvres. Certains voudront presser le chaudron, d’autres voudront qu’un live
d’êtres virtuels compte pour un cours. Ces animations sont donc réalisées par
des passionnés, mais la charge émotive est orientée puissance et non pas
qualité, diversité ou intimité. La diversité n’est pas qu’un chaos, c’est toute
une cristallisation de choix avec un début d’organisation si bien représenté par
la nature qu’on les confond toujours. Sans oublier qu’il n’y a pas un seul
dessin, pas une seule couleur, dans ce que vous êtes en train de lire.
Frédéric Decréquy, version 1 du 27 mai 2017
posted on Thursday, July 5, 2018 9:06 PM |
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