Le film Barbara

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C'est exactement ce que j’attendais de ce film. Tomber si pile sur ce que je j’attendais est fantastique. C’est l’histoire d’un réalisateur, Mathieu Amalric en l’occurrence, qui raconte l’histoire d’un réalisateur, Mathieu Amalric en l’occurrence, pour ne pas dire qu’il sait de quoi il parle, qui a eu envie de se perdre dans l’âme de Barbara de par ce que racontent ses chansons. Il y retrouve lui aussi ce qu’il a toujours voulu dire, et si c’est un reproche, il doit d’abord réserver à autrui ce qu’il pense n’être que de soi les questions opportunes. Tout enchanté de la tournure du tournage, qui atteint le haut de ses espérances, de ses rêves, et des messages qu’il veut transpirer, tout honnêtement qu’il se sent investi par la mission, « La petite fille et le père, noël, oui, c'est le titre de la chanson. C'est, le pardon impossible », il décide de mettre des oursons en peluche avec les fleurs. Brigitte performe dans l’incantation de l’incarnation du personnage. « C’est ? » demande le réalisateur. « - Ma cabane ». Une forme d'inaccoutumance permanente, des esprits emmenés où ils savent mais on ne sait où. On se dit qu’on ne veut pas, car on se dit qu’il ne faudrait pas. Est-ce qu'on peut s'exprimer sur tout sans conséquences ?

Ce réalisateur se perd dans ses recherches rêveuses, amusantes dans le film, pleureuses sur sa Terre, comme j’ai cru bon le sentir récurrent chez Mathieu Amalric. Ce film montre la petitesse d’une incarnation, penaudement prise en main, face à une théoricienne de l’amour. D’une théoricienne, qui reste dans des interlignes qui ne veulent pas être compris face à une théorie. C’est la difficulté d’être prise pour maîtresse armée lorsqu’on est à cheval sur ses années faciles. Ce sont tant de descriptions géniales de l’amour, non solitaires, non morbides, non opprimées, non délaissées, non appuyées, face à quelques pressions qui voudraient lui faire dire le contraire.

« Pourquoi faire tant de notes alors qu'il suffit de jouer les plus belles ? ». Une petite fille joue les notes de la chanson entendue précédemment, même Brigitte, héroïne reprenant Barbara dans le film, ne sait pas quoi lui dire de plus, elle ne s'en préoccupe pas. C’est le poids de la solitude finalement non altérée malgré toutes les revendications possibles. Une tension de petite fille très courante, là où les tensions blessent, trahissent, donc blessent d’autant plus, et où les absences répétées peuvent pourtant tout autant traumatiser que les présences forcées. L’amour n'est pas disponible partout. Le cajolant n’est pas un capital acquis par tous. Le capital cher et bon ne serait pas de bon ton à maintenir toujours au plus près de soi.

N’empêche, Barbara a un côté pressé, noir et blanc, spectral, du coup enlaidi volontairement, comme s’il manquait quelque chose, la couleur à sa vie. Une couleur oubliée ? Opprimée ? Ou mascara d’un côté sombre de sa vie ? « Un cercueil ? Non, il y avait tellement de fleurs qu'on devait les transporter par camion ». Ce film voulait montrer que visiblement, elle avait aussi un côté clair qui ne voulait pas passer, ne pas se laisser froisser, face à son père. L'ombre pour ne pas ternir la lumière, fragile à dévoiler, qu'un rien pouvait détruire. « Si vous vous inquiétez pour moi, je m'inquiète pour vous, comme ça, on ne sait plus ». C’est aussi une représentation d’inceste surtout bien loti, bienheureux, amoureux, tel qu’on veut le faire comprendre sans jamais vouloir le dire. « Si vous parlez du bout des lèvres je vous entends du bout du cœur ». En perdition de ne savoir comment prouver au monde que l'amour existe aussi au féminin connecté.

Peut-être essayer la vérité sans interlignes ? Ce n'est pas enfantin, c'est transversal. « Car un enfant qui pleure est de n'importe où un enfant qui pleure [...] Qu'il est dur de choisir entre 2 innocences [...] Le soir, tout partira dans le camion, angoisse. [...] L’équipement prendra son envol à cet instant-là. [...] Tel un sol repeint... [...] C’est mon navire ». « Les rongeurs reprennent leur travail de sape ». 2 spectateurs à 22h. Abonnés trop absents ou trop présents ? Et la voiture particulière, elle roule au blanc ?

« Et alors là c’est en Français, parle plus bas, car il pourrait bien nous comprendre. [...] Non mais on peut pas, visiter une ville, et puis aller chanter après, ça on ne peut pas. Je dépense une énergie, je me déconcentre, je ne pourrais pas. Je voudrais bien. Faire les deux. Je ne pourrais pas, être touché par des choses, être bouleversé dans la rue par des choses. Alors ça me prend une énergie, Non, moi je veux aller directement, là, comme les chevaux, hop. [...] Là du rose, là du bleu, un peu pas trop, et là de la gélatine, et puis euh, bah voilà, salut les copains ! De toute façon, t’en fais pas, parce que je te ferais des signes, ne te fais pas de mouron, hein. Si on pouvait chanter dans le noir. C’est ça qui serait top. Qu’est-ce que tu crois qui va se passer maintenant ? Est-ce que tu devines ? Est-ce que tu sais où j’étais ce matin ? Au marché ? Et qu’est-ce qu’on trouve au marché à 6h du matin ? Un cadeau. Tu comprends le message ? »

Bien qu’au sein des familles l’amour tiède mais conjoncturellement simplifié puisse paraître chaud douillet, l’invasivité masculine hors de la famille est non seulement potentielle mais assez probable, cela dit lié à la personnalité, et fait des formes d’amour enfant-adulte un petit calvaire fréquent, bien amplifié car j’ai noté que 90% des arguments des victimes sont liés à des problématiques sociales de communication à propos de cet acte, hors du fait. Cette amplification ne rend pas à la nature ses tensions potentiellement très humaines, qui méritent qu’on traite les problèmes intimes sans tension, sous leur jour éclairé et authentique.

Print | posted on Thursday, July 5, 2018 9:24 PM

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